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THIERRY
LINCOU
QUAND LE PATRON TIRE SA RÉVÉRENCE
Part 1
Part 2
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29 août
2012
Thierry Lincou, le premier joueur de squash à avoir détrôné
l’hégémonie Anglo-Saxonne de la hiérarchie mondiale en
atteignant la place suprême de numéro 1, également champion
du Monde, 2 titres de champion d’Europe, 11 fois champion de
France, et l’un des
quatre joueurs au monde à s’être maintenu sans interruption dans le top 10 pendant 10 ans, a décidé de
raccrocher la raquette.
Enfin, presque.
Car s’il prend sa retraite de la PSA (Professional Squash
Association), il reviendra quand même aux côtés des «Bleus»
en juin 2013, pour les Monde par Equipe à Mulhouse.
Pour l’heure, le Réunionnais, Marseillais d'adoption, vient
de s’installer à Boston, aux États-unis, où il va commencer
une nouvelle carrière extra-sportive, tout en entraînant de
jeunes joueurs prometteurs.
Entretien avec Framboise.
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Reportage
2006 :
Les Débuts
Entourage
Professionnel
Devenir n°1
Victoires,
enfin

Ses Finales |


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Tout
d'abord, pourquoi partir à la retraite maintenant ?
En début d’année, j’ai eu une
mauvaise passe, une phase de réflexion sur mon après
carrière, c’est vrai que depuis deux ans, ça me travaille,
je pense réellement à ma reconversion.
Et finalement, je
pense que depuis janvier, où j’ai vraiment commencé à faire
savoir en interne que je serais intéressé par un travail
dans le squash, les choses se sont un peu décantées. J’ai eu
quelques propositions intéressantes
Est-ce que tu aurais été prêt à refaire un an ?
Avec du recul, oui. Mais non, franchement, c’était le
moment. La proposition est arrivée à point nommé, et d’un
point de vue physique mais aussi mental, j’avais peut-être
atteint une certaine limite de ma motivation. De plus, cela
aurait pu être l’année de trop, les derniers pépins
physiques m’ayant fait réaliser que je prenais un peu d’âge,
et que cela devenait de plus en plus dur de me maintenir à
ce niveau-là.
C’est vrai qu’aussi, je voyais les joueurs de ma génération s’arrêter les uns
après les autres, David Palmer, Stewart
Boswell. Franchement, depuis deux ans, je me
disais, "écoute, c’est une chance unique que de pouvoir
gagner ta vie en exerçant une passion, une activité qui te
plaît".
Je voulais en profiter au maximum, je me disais, "tu
n’as qu’une carrière", c’est vrai que j’avais croisé de
nombreux sportifs d’autres disciplines, et on était assez
d’accord là-dessus, c’est que, tant qu’on peut, il faut en
profiter. Et c’est pour ça que je n’étais pas pressé de
tourner la page…
Donc, je me suis accroché. Il y a eu des hauts et des bas,
mais globalement, j’ai pu me maintenir à un niveau
satisfaisant ces deux/trois dernières années.
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Comment
as-tu choisi Boston pour ton nouveau départ ?
J’ai eu plusieurs propositions,
on m’a proposé plusieurs options, aux États-unis, en
Amérique du Nord, Montréal, une possibilité sur Genève, sur
Hong Kong, mais finalement, je m'installe à Boston
pour commencer une nouvelle carrière extra-sportive, je t'en
dirais plus un peu plus tard, tout en
entraînant de jeunes joueurs qui je pense ont du potentiel.
Avec Céline ma femme, nous sommes allés à Boston au mois de
mai, et nous avons été séduits par le package proposé, mais
aussi par le challenge sportif. Nous avons vraiment eu un
très bon feeling, et nous a été rassuré quant à
l’environnement qui nous a plu, et qui plaira à nos enfants.
Pour moi, c'est une aventure sportive du point de vue du
coach, mais aussi une aventure humaine et familiale.

Dur dur quand même de quitter Marseille ?
Je laisse toute une tranche
de vie. Marseille était vraiment ma seconde vie après la
Réunion, je m’y sentais vraiment très bien, le club du Set
Marseille était ma seconde maison, tous les membres, tous
les gens qui gravitaient autour, c’était vraiment un cercle
d’amis.
Je vais donc laisser mes copains d’entraînement, les
copains du club, et tous les amis que je me suis fait ici.
Et pareil pour ma femme et même mes enfants qui laissent
derrière elles des tas de copines…

Comment réagissent les filles ?
Paola, la petite, est sur le mode, « excitation » à l’idée
de voir autre chose, elle ne réalise pas trop.
Par contre,
Jade prend conscience, sait ce qu’elle va perdre comme
amies, et elle craint la barrière de la langue, ayant eu
dans sa classe une amie américaine qui a débarqué dans sa
classe, qui ne parlait pas un mot de français, et elle a vu
cette gamine galérer pendant quelques mois.
Nous l’avons
rassuré, car dans l’école où elle va, elle aura un tuteur
qui s’occupera tout particulièrement des élèves arrivant de
l’étranger.
Et Céline ?
Si je peux me permettre de parler en son nom, elle ne s'est
pas épanouie sur un plan professionnel à Marseille, donc
cela ne la dérange pas de voir de nouveaux horizons, même si
pour l’instant, le visa que nous avons ne lui permettra pas
de travailler. Dans un premier temps, elle sera donc en
charge de la logistique et de notre famille, un gros boulot
en perspective...
Va falloir vous adapter à
un nouveau "way of life"...
Tu sais, nous avons commencé par la Réunion, puis Paris,
puis Marseille… Comme nos parents, nous sommes un peu des
pigeons voyageurs, et donc pour Céline, elle voit le
changement comme quelque chose de très positif, elle
maîtrise bien l’anglais, et elle possède vraiment une grande
capacité d’adaptation, une grande intelligence, qui lui
permettent de se sentir bien n’importe où. |







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As-tu des
regrets dans ta carrière ?
D’un point de vue purement résultat, j’aurais bien aimé
accrocher un titre du British, j’ai échoué deux fois
en finale.
Dont une contre Nick Matthew, après un parcours
superbe, et là, cela aurait été génial de gagner celui-là,
en battant Beachill, Gaultier, Greg et Palmer.
Un autre match que je regrette d’avoir perdu, c’est ma
première finale du Monde contre Shabana en 2003 au
Pakistan. Shabana était n°9, moi, 5, il était un outsider,
mais il a fait un tournoi de rêve, il était sur un nuage, il
a surpris tout le monde, y compris moi en finale, alors que,
à ce moment-là, j’avais encore plus de victoires contre lui
que de défaites.
Alors, oui, j’ai été déçu de cette défaite. D’un autre côté,
j’étais tellement content d’être en finale, la victoire dans
cette demi-finale me mettait d’office nouveau numéro 1
mondial, et je pense que je me suis un peu démobilisé, j’ai
perdu beaucoup d’influx nerveux ce soir-là après la demie à
répondre aux médias, surtout que c’était vraiment un
objectif premier pour moi. La place de numéro 1 mondial,
bien avant le titre de Champion du Monde. Et derrière, je
n’étais pas dans la finale à 100%.
Mais je ne veux surtout pas dire que Shabana ne mérite pas
son titre, loin de moi cette idée. Simplement, j’aurais aimé
livrer une finale avec 100% de mes moyens mentaux. J’ai
manqué là de recul, d’expérience, contre un Shabana qui
comme je l’ai dit a surpris tout le monde, puis confirmé
qu’il avait l’étoffe de la Légende Sportive qu’il est
ensuite devenu.
Mais c’est aussi cette défaite qui m’a permis de
m’accrocher, et quand j’ai eu l’opportunité de jouer une
seconde finale pour le titre, de sauver une balle de match,
et de finalement gagner le match. Donc, une mauvaise mais
aussi une très bonne expérience…

Un autre regret, de n'avoir "que" deux titres de Vice-champion
du Monde par Equipe...
Complètement. Je me revois au Danemark en finale, encore
contre Shabana, j’ai sept balles de jeu dans le 3ème et 4ème
que je n’arrive pas à concrétiser. C’était un match d’une
très grande qualité, mais que je perds contre un Shabana
impérial comme d’habitude dans les moments clés.
Autre chose ?
Oui,
un mauvais moment qui se transforme en moment sympa. On
peut revenir à cet épisode en 2001 où en avril, je
chute vers l’arrière, mauvaise réception sur la main droite,
mauvais réflexe, et je me casse le 3ème métacarpe. Fracture,
donc out pendant 4 mois.
Je venais de rentrer dans le top 10, je redescends dans le
top 20, et pour mon retour, c’est le tournoi de Hong Kong,
je prends Peter Nicol au premier tour, et je le sors pour la
première fois, 3/1.
Et ça, franchement, revenir de blessure, quelques semaines
avant, j’étais à dix mètres sous terre, me demandant si
j’allais pouvoir revenir, pouvoir récupérer complètement ma
main droite, mes sensations et tout. Et finalement, ça a été
une superbe leçon sportive, mais aussi de vie : toujours
trouver le côté positif de chaque épreuve, de chaque
blessure, de chaque moment difficile.
Ensuite je bats Chris Walker, Olli, Boswell, pour perdre en
finale contre Palmer, alors que je n’étais que 20ème
mondial. Et c’est là que David devient numéro 1 mondial.
La Suite |
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